jeudi 9 août 2007

7 "Informantes"

Les "Informantes" ou "Informateurs" du CFN sont des spécialistes reconnus dans leur domaine respectif. Leur rôle privilégié leur a donné un statut supérieur aux autres artistes. Ils ont joui de privilèges, voire d'un pouvoir qui n'a pas été sans générer de nombreux problèmes, comme nous le verrons plus loin. On peut saluer leur engagement avec l'état, qui, s'il a fait d'eux des "stars" - ce qu'ils étaient déjà dans leurs folklores respectifs - a été courageux, dans le sens où ils ont inévitablement fait l'objet de critiques. Ces critiques sont venues de la part de religieux les accusant d'une part de "collaborer" avec les instances d'état (restant majoritairement composé de blancs et de métis), et d'autre part de "révéler" des secrets religieux en échange de leur salaire, et donc, d'une certaine manière, de les monayer.

- NIEVES FRESNEDA.

"Elle est née à La Havane un 5 août. Ses premières expériences théâtrales ont été avec le groupe de folklore du Teatro Nacional de Cuba. Elle est intervenue dans les oeuvres du TNC: "Cantos y Leyendas", "Bembé", "Suite Yoruba" et "La Rebambaramba". Elle a joué à Cuba, en France, URSS, Allemagne et en Pologne, démontrant son art. Elle est apparue dans des films sur la danse et a enregistré de la musique folklorique cubaine pour la collection "Chant du Monde" de Paris."

Son rôle au sein du CFN:
Informante, chanteuse soliste (Ochún, pregón de la bollera, yambú), danseuse soliste (Yemayá, yambú).

Nieves est une des plus grandes danseuses de Yemayá, souvent citée unanimement. Déjà âgée en entrant au CFN, on ne connait visiblement pas l'année exacte de sa naissance - probablement au début du XXe siècle - les autorités de l'ère républicaine ne jugeant pas toujours utile de passer du temps à fabriquer des papiers officiels et des actes de naissance pour les Cubains noirs. On peut voir Nieves danser dans le film "Historia de un Ballet" dans notre article du même nom sur le site http=//echuaye.blogspot.com.
Nieves a été également une grande rumbera, participant en tant que clarina aux Coros de Claves et de Guaguancó tels: Los Roncos, Los Cocheros, Minerva et Jóvenes del Cayo.


- JOSÉ del CARMÉN de la TRINIDAD TORREGROSA y HERNÁNDEZ.

"Né à La Havane en 1897 (ou le 28 mai 1893, selon d'autres sources, ndt.). Depuis 25 ans il apporte sa collaboration comme informateur aux études qui ont été réalisées sur notre folklore. Il est intervenu au cinéma, à la télévision, à la radio et dans des disques. Il est chanteur, joueur de tambour, facteur d'instruments de musique cubains, étant un des rares à conserver l'art de construire les tambours batá sacrés de Cuba. Il a joué aux USA, en Haïti, en République Dominicaine et en Jamaïque."

Son rôle au sein du CFN:
Informante, chanteur soliste (pregón frutero, yambú), et tamborero.

"Trinidad" Torregrosa a été le principal informateur de Fernando Ortiz sur la musique yoruba avec Raúl Díaz "Nasakó", comme en témoignent les nombreuses photos où il apparaît, dans les ouvrages d'Ortiz. Il n'a jamais, ou rarement, disent les olubatá, joué le tambour iyá en cérémonie. Son rôle de tamborero-soliste n'a jamais d'ailleurs réellement été mis en évidence. Beaucoup le considéraient comme un personnage attachant et ouvert sur de nombreuses cultures. Il a toujours volontiers transmis son savoir aux scientifiques et à toute personne passionnée de folkore cubain. Il a enseigné le chant yoruba à Merceditas Valdés, qu'il côtoyait alors qu'il travaillait sur Radio Cádenas Suaritos avec Obdulio Moralés, dans un programme radiophonique dans lequel ils jouaient des tambours batá, dans les années 1930.


- JESÚS PÉREZ PUENTES "OBA ILÚ".

"Il est né en 1915. Élève du fameux joueur de batá Pablo Roche (Akilakuá). Il a participé à la première conférence sur le folklore cubain réalisée dans notre pays en 1937. Il a été le premier à jouer les batá avec un orchestre symphonique. Il est intervenu dans les oeuvres "Cantos y Leyendas", "Bembé", "Ñangaré", "Suite Yoruba" et "La Rebambaramba" du TNC. Il a enregistré des disques à Cuba, au Mexique et en France. Il est apparu dans de nombreux films: "Sucedió en La Habana", "Historia de un Ballet", "Yambaó", etc… Il a joué en Haïti, à Porto Rico, en République Dominicaine, Jamaïque, Venezuela, Mexique, France, Allemagne, Pologne et en URSS."

Son rôle au sein du CFN:
Informante, tamborero (batá, tumbador de rumba, abakuá) et chanteur, danseur en musique populaire.
Directeur de la percussion.

Le principal "informant", sans aucun doute, puisque déjà investi dans d'autres projets d'état, dont Teatro y Danza Nacional, avant la plupart des autres, donc. Avec Fernando Ortiz, avec Luluyonkorí, dans les cabarets, partout où l'on pouvait voir et entendre du folkore en-dehors de son contexte traditionnel religieux. Fondateur avec Rogelio Martínez Furé et Sergio Vitier du groupe Orú.
Homme influent et respecté, dont le pouvoir a certainement été contesté par d'autres hommes influents, avec lequel il est probablement, même malgré lui; entré en rivalité, voire en lutte, ne serait-ce que pour avoir été un des principaux "collaborateurs" des instances d'état. Jesús est décédé en 1983 (certaines sources disent 1985).


- JOSÉ ORIOL BUSTAMANTE

"Il est né à La Havane en mars 1918. Il est intervenu dans de nombreux spectacles du Teatro y Danza Nacional, en tant que chanteur, danseur et informateur de la culture conga."

Son rôle au sein du CFN:
Informante (congo), chanteur soliste (congo) et danseur.

Responsable et "informant" de toute la partie Congo du CFN avec Emilio O'Farrill.
Directeur de la compagnie Combayé, de Guanabacoa.


- MANUELA ALONSO VALDÉS.

"Elle est née à La Havane en 1922. Dès l'âge de 19 ans elle s'est dédiée aux danses folkloriques. Elle est intervenue dans des émissions de radio, de télévision, dans des films, et au théâtre en tant que danseuse et chanteuse."

Son rôle au sein du CFN:
Informante, danseuse (yoruba, rumba) soliste y chanteuse soliste.

Née le 17 juin 1915, à La Havane. Figure principale dse comparsas "Las Bolleras", et "Los Componedores de Batea". Elle a chanté avec Chano Pozo dans les célèbres émission de Radio Cadena Azul. Elle apparaît dans les films suivants: "Yambaó", "Romance de Palmar", "Sucedió en La Habana", et "La Bella del Alhambra".
Elle est surnommée à Cuba "Cara de Caballo". Elle est la mère de Orlando "El Bailarín".


- EMILIO O'FARRILL y ESCOTO

"Il est né à Madruga, province de La Havane en 1903. Depuis plus de 20 ans il contribue à des conférences et des discussions sur le folkore en tant que démonstrateur. Il est intervenu dans des spectacles du TNC et dans des enregistrements de musique cubaine d'origine congo."

Son rôle au sein du CFN:
Informante (congo), chanteur soliste (congo), percussionniste (palito rumba),

Responsable et "informant" de toute la partie Congo du CFN avec José Oriol.


- LÁZARO ROSS.

"Il est né à La Havane en 1925 (le 11 mai). Il est le plus jeune de nos "informantes", et un des meilleurs akpwones ou chanteurs de musique lucumí ou arará de Cuba. Il est intervenu dans des programmes du Teatro Nacional et dans des conférences sur le folklore cubain. Il a également enregistré des disques pour la collection Chant du Monde, de Paris, et pour des éditeurs cubains."

Son rôle au sein du CFN:
Informante yoruba et arará, chanteur soliste, danseur populaire.
Formateur et Professeur de chant.

Né dans la quartier de Santos Suárez, dans une famille catholique qui n'avait, comme il le dit lui-même dans une interview à Granma datée du 20 janvier 2005: "aucune affinité ni avec la religion yoruba ni avec la musique. (…) À l'époque, pour un Noir, il n'y avait guère que la musique pour arriver à quelque chose... Avec le temps, j'ai approché des voisins pendant leurs fêtes, et je me suis mis à participer aux rumbas. Une vieille dame qui s'appelait Otilia Mantecón, du village de Pedro Betancourt, dans la province de Matanzas, m'a initié à la rumba. Elle avait le don de me transporter dans un monde de légendes et de dieux, d'esclaves rebelles et de malheureux exploités. J'ai commencé à chanter à l'âge de 13 ans. À 17 ans, j'arrivais chez les iyalochas. Je m'entourais volontiers de joueurs de tambours et d'akpwones célèbres de La Havane et de Matanzas, qui est la Mecque de la rumba. J'observais ceux qui détenaient le savoir, je travaillais jour après jour, je captais leurs secrets, et il arrivait qu'ils fassent appel à moi pour chanter. À l'époque, je vivais de petits boulots, n'importe quoi : coursier, livreur, aide-cuisinier, plumeur de poulets... À l'époque, tu chantais tout un après-midi et ça te rapportait un peso, pas plus... La chance m'a sourit avec le changement social de 1959 et la création de l'Ensemble folklorique national de Cuba. J'en suis fondateur. Cela s'est passé le soir du 25 juillet 1963, au théâtre Mella de la capitale... Je n'étais alors qu'un néophyte, mais je suis devenu un artiste, un vrai, et je me suis même mis à écrire du théâtre. Je dois beaucoup à eux fondateurs de l'Ensemble folklorique : Rogelio Martínez Furé, ami entre les amis, et Rodolfo Reyes Cortés. Mais aussi à des grands de la culture et de la musique cubaine : Don Fernando Ortiz, Argeliers León, Obdulio Morales, María Teresa Linares, Ernesto Lecuona, Alejandro García Caturla, Amadeo Roldán".
Lázaro Ros(s) restera sans nul doute encore longtemps le musicien de folklore le plus connu internationalement de tout Cuba. Il possède cette faculté de modifier le timbre de sa voix pour imiter ce style si particulier, placé dans le medium-aigu, que certains comparent au muezzin des minarets, qui sert à gagner en puissance pour "passer au-dessus" des tambours et se faire entendre dans les cérémonies. Eugenio de La Rosa chantait avec ce timbre. Lázaro a su parfaitement l'imiter.
On a (ou il a) ensuite enlevé le second "s" de son nom - qui lui donnait certainement un côté trop "anglo-saxon". Jamais nous n'avons d'ailleurs vu nulle part apparaître son second nom de famille (avait-il un caractère trop espagnol?). Son nom de religion est Ocha Nigwe. Sa célèbrité a explosé dans les années 1960 et 70. Il est devenu assez rapidement (avant l'âge de 40 ans, en tout cas), un des artistes-phare du "folklore d'état", les plus mis en avant. Souvent contesté par les gens de la rue, son talent a souvent été mis en doute par les musiciens traditionnels. On lui prête mêmes des moeurs inavouables. Sa réussite a certainement attisé la convoitise de beaucoup de gens. Il est décédé le 8 février 2005.

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